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Comité de rédaction d'AY-ROOP

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Time to Tell © Christophe Raynaud De Lage

10 et 11 novembre 2022

LA VIE JONGLÉE DE MARTIN PALISSE

TIME TO TELL

CIE L'UNIJAMBISTE - MARTIN PALISSE / DAVID GAUCHARD

ARTICLE D'HÉLÉNA PINEL

« Ma maladie, je ne sais pas si c’est une contingence ou une nécessité. »
Martin Palisse

Lorsque nous entrons dans la salle pour voir Time to tell de la compagnie L’Unijambiste, nous nous asseyons sur des gradins placés face à face. Entre les deux, un rectangle blanc éclairé et longé par des fluos. Sur ce rectangle est posé une caisse bleue, un micro et un tourne disque. Martin Palisse entre habillé d’un débardeur et d’un short noir, le corps constellé de tatouages. Il nous regarde, s’assoit sur la caisse, sort des balles bicolores blanches et noires et des balles unis, prend le micro et commence à nous raconter son histoire. Avec sa voix et des enregistrements, nous en apprenons davantage sur sa maladie : la mucoviscidose. Quel est son rapport avec elle et quel est celui avec la jonglerie, seule activité physique qui ne le mène pas à bout de souffle ? Dès lors, nous sommes entraînés dans un flot d’anecdotes, d’expériences, de sensations mais surtout, nous sommes entraînés dans des moments hypnotiques où jongler est aussi instinctif pour Martin Palisse que marcher ou faire du vélo pour autrui. Il jongle de façon minimaliste, il court, il tourne jusqu’à la limite de son souffle ou jusqu’au bord de la transe. Nous assistons à une sorte de thérapie par la balle où jongler et parler délivre Martin Palisse de ce qu’il peut vivre quotidiennement.

Héléna Pinel

ARTICLE DE LÉNA MORICEAU
Des balles pour le dire
Des bancs de spectateurs se font face. Qui est sur la scène ? Martin Palisse vient nous parler de sa maladie, la mucoviscidose. Le nom ne vient pas tout de suite car elle ne doit pas prendre toute la place. Il a hérité du combo génétique qui fait que. Lui et pas son frère, et pas sa sœur. Comment il définit cela. Est-ce une contingence ou une nécessité ? Il amène un débat philosophique qui lui permet de se positionner dans le plaisir du travail physique avec les balles de jonglage comme outils. Et on se met à sa place. Se succèdent des scènes qui illustrent le propos : la concentration/contrôle, la danse/lâcher-prise, le sport/défoulement, la transe/dépassement de soi. Chaque effort physique lui coûte : 100% de respiration pour lui, c’est 61%. Il prouve qu’on peut se surpasser malgré les limites fixées par les médecins. Évoquer la performance des tests, les piqûres jusqu’à en développer une phobie, à force. Dire merci au système médical solidaire grâce auquel il peut vivre. Littéralement. Admirer sa lucidité, son courage et sa détermination. Est-on vraiment plus limité, en tant que malade ? N’est-on pas, quelle que soit sa condition, son propre détenteur de liberté ? Pour détourner la fatalité, les balles façonnent une trajectoire, celle du petit Martin à l’hôpital et du grand Martin de 41 ans. Un récit émouvant, dessiné géométriquement par les balles noires et blanches, même si tout ne l’est pas, enfin ça se discute.
Léna Moriceau
Photo Alexis Rouvre

27 octobre 2022

PREMIERS RÉCITS DE LA RÉDAC'

TOUT / RIEN

CIE MODO GROSSO / ALEXIS ROUVRE

ARTICLE DE LÉA RABUSSEAU

Quand je suis allée voir Tout / Rien, je n’avais rien lu ou vu du spectacle, j’ai fait le choix d’y aller à l’aveugle, par curiosité. Nous étions placés dans un petit gradin, dans un cadre intimiste et une atmosphère calfeutrée, dans le noir. Le spectacle m’a d’abord paru étrange en voyant Alexis Rouvre, assit derrière sa table de manipulation en train de tricoter. Puis c’est devenu hypnotique lorsque j’ai remarqué que tous les spectateurs fixaient la manipulation très précise du fil dans le calme absolu. Je me suis aussi laissée porter par le son produit par les chaînes en mouvement et les jeux de lumière. Toutefois, ma surprise ne fut pas dans l’apparition ou la disparition magique des objets, mais au contraire que l’artiste nous invite à deviner comment chaque chose se fait. Les objets ne nous sont pas étrangers, du tricot aux tasses, en passant par les chaînes et les aimants. Je me suis surprise à laisser vaquer mon imaginaire et à m’émerveiller, alors même que j’avais conscience des ficelles de l’artiste ! De même que le jeu du caché-montré et de la lumière éteinte-allumée pour changer les objets de position nous ont vraiment fait rire. Ce spectacle m’a permis de découvrir le cirque d’objets avec plaisir et de voir comment la poésie peut émerger de ce « rien ».

Léa Rabusseau

ARTICLE DE LÉNA MORICEAU

Tout / Rien, d’Alexis Rouvre, c’est un spectacle de magie en clair-obscur qui donne à voir des objets-matériaux sur un petit plateau en demi-cercle, sorte de mini arène de cirque. RIEN que le moment où l’on entre sur le plateau, ça fait TOUT.
Tous les spectateurs sont invités à entrer d’un coup. Je me sens comme une petite souris qui va se trouver une petite place dans cette pièce sombre. Tous font silence dès le début. Impressionnante écoute de tous ces enfants pourtant si impatients d’entrer.
L’effet de surprise est efficace. Une toile tissée d’un fil interminable, des chaînes de perles versées dans des tasses métalliques, des pendules qui se balancent, des pierres jonglées, des aimants presque vivants… Ces matériaux prennent vie et nous invitent à les contempler dans une atmosphère intimiste. Succession de tableaux visuels et sonores dans la pénombre. On sent l’espièglerie et le goût de l’expérimentation scientifique de cet artiste manipulateur de matériaux et de nos sensations.
Il y a cet instant de surprise où je me demande d’où viennent ces bruits de pluie torrentielle tout autour du public. Le fait d’être dans le noir complet impressionne et renforce le volume sonore. Je me sens à la fois captive et privilégiée d’assister à ce moment, un cadeau sensoriel.
Un autre moment marquant est le passage d’un tableau à la lumière cuivrée qui neutralise les couleurs à un tableau aux couleurs vives. Comme une peinture de nature vivante. Bluffant.
C’est finalement la lumière qui crée la magie et l’obscurité qui illumine les sons.
Avec mon regard d’enfant, j’ai eu envie d’aller explorer son arrière-boutique qu’est sa table de jeu, son petit laboratoire. J’ai eu envie de jouer avec les aimants et de trouver les boutons qui déclenchent la magie… Et en même temps, entre-apercevoir les secrets des mécanismes sans vouloir toucher à rien. Comprendre le déclenchement du coulant gravillonneux de ces chaînes de perles interminables qui se déversent d’elles-mêmes sur le sol, jouer avec les tasses, la pelote de fil, les cailloux qui font de la poussière… Tout ça donne envie d’aller mettre les mains dans la matière et d’aller créer soi-même des scènes de magie visuelle et sonore.
L’idée globale que je retiens est l’expérimentation de formes et d’effets à partir de différents matériaux, expérimentation dans laquelle l’artiste joue à se perdre, apparaître et disparaître, faire partie des matériaux et parfois les laisser prendre vie et mener leur scénographie.
Un moment de grâce et de jeu qui invite à la curiosité et à la sensorialité.
Le temps qui passe très vite dans ce spectacle est rythmé par les petits sons métalliques et légers de ces objets. Je dirais que le temps s’égrène perle après perle, dans la contemplation des formes, des ondulations, des balancements. La lumière-pendule de la fin illustre bien cette métaphore dramatique du temps qui passe au rythme du balancier. Le temps qui passe et comment on l’occupe.
Ces perles seraient donc les marqueurs du temps. Marquent-elles l’ennui, celui qui invite à créer ?
Les spectateurs, dans le silence et la discrétion, ne semblent pas s’ennuyer du tout.

Léna Moriceau